Lucas ne sait pas encore se tenir debout, alors il reste assis pour jouer, il se déplace sur les fesses en rebondissant il s'aide de ses bras pour ventiler. il est arrivé à force de pleurs, à expulser tout son chagrin au départ de sa maman, il ne pleure plus et il cherche le contact avec les autres, on sent que ça lui fait du bien, il le montre. il est arrivé en accueil à la maudite période des 9 mois, purée il ne faudrait pas les prendre à cet âge, mais comment faire ? Il faudrait que les mamans nous les confient à 6 mois au minimum, mais quand elles sont en congé maternité elles n'ont pas droit à paje. du coup ça m'énerve aussi quand les mamans ne reprennent pas le travail tout de suite. égoïstement je pense à toutes ces crises que je vais me taper, sans savoir combien de temps il va falloir serrer les fesses, et le pire, c'est que ça me fait mal dans le ventre rien qu'à me mettre à la place du bébé qui ne comprend plus rien au film d'amour qu'il était en train de tourner avec sa maman. c'est pour moi le côté le plus désagréable de mon métier, et de loin.
quoique je doive rassurer les mamans qui me lisent en ce moment qu'elles pourront toujours compter sur leur ass mat pour les aider dans ce moment difficile. ce n'est pas quand on n'aime pas un truc dans notre travail qu'on ne le fait pas, ou mal. on est tous payés par nos patrons pour maîtriser les situations difficiles ! c'est juste que des tâches seront plus agréables que d'autres, mais il faut bien trouver solution à chaque problème. Lucas je peux vous le dire, est un enfant heureux. son adaptation sur deux jours a finalement duré sur 5 semaines au final, mais officiellement nous n'avions tablé que sur une semaine progressive avant le début du contrat. au début il avait si peur de rester seul que je devais maintenir un contact physique de peau à peau durant toute la période de son éveil.
Zoé en ce moment est à fond dans le maternage, elle veille à toujours avoir auprès d'elle le gros poupon à taille réelle, et elle veut toujours lui donner à manger à la cuiller, elle lui place une serviette ou un bavoir, avec une pince à linge comme moi pour tenir la serviette, elle a autour d'elle des bébés nouveaux-nés et donc je vois qu'elle observe bien comment les mamans s'y prennent quand elles donnent le sein, elle démontre énormément d'affection et de tendresse, elle leur parle avec des diminutifs murmurés au creux de l'oreille, elle s'exerce moins sur les gabarits réels, c'est mieux comme ça. elle est parfois déstabilisée en arrivant parce qu'elle arrive dans un univers différent de celui qu'elle partage avec sa grande soeur à la maison, ici les jeux sont moins intéressants pour elle, elle est à l'âge où il faudrait lui proposer des règles de jeux plus difficiles pour qu'elle en retire du bénéfice. chez moi elle ne s'intéresse pas aux jeux de réflexion, ce sera à la maîtresse de développer le secteur. moi je la laisse jouer à ce qu'elle préfère... en ce moment elle ne parle que de ses copines, de celles qu'elle aura quand elle sera dans l'école de sa grande soeur Marie. et quand elle remarque que je suis en train de faire un câlin à un bébé chagriné, elle vient immédiatement se blottir au plus près possible contre mon corps, pour bien me faire remarquer qu'il ne faudrait pas que je l'oublie elle-aussi. je ressens dans son geste une certaine autorité, il y a un acquis qu'elle n'a pas encore l'intention de concéder.
Rachelle, c'est spécial avec elle. parce que sa maman me l'a confiée avant ses 3 mois, et que j'ai en accueil déjà son grand frêre, j'ai eu le privilège de partager toutes les joies de la grossesse de la maman, j'ai attendu les résultats des échographies comme si je faisais partie de la famille, parce que c'est facile je devais garder le grand frêre à chaque rendez-vous, du coup j'étais tenue informée, et ausi parce que le style de cette famille est communicatif, ils partagent très facilement leur façon de voir la vie, alors que d'autres peuvent préférer préserver l'intimité familiale. du coup Rachelle me considère comme dans les meubles de sa vie, jamais elle n'a pleuré en entrant dans ma maison, elle me tend les bras spontanément quand elle arrive, elle est zen, pas du tout inquiète au départ de ses parents, elle ne pleure pas si son frere ne vient pas avec elle, et du coup en position de 2ème dans la fratrie, elle a déjà gagné tout un pan d'adaptabilité qu'elle vit avec son frêre tout le temps. aucun problème pour lé gérer, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a pas un fort caractère et que je ne doive pas mettre en place un système de cadrage, parfois il y en a besoin, mais c'est rare, cela va peut-être changer ? surtout qu'une petite soeur vient de venir au monde...
Robin, deuxième dans la fratrie que je garde, il vient lui aussi d'avoir un petit frêre et cela pose des remises en question dans sa vie, c'est bien forcé, on n'a pas spontanément envie de moins voir sa maman. cet enfant ne reste jamais à ne rien faire, sauf devant la tv il garde la bouche ouverte et ingurgite toutes les images sans broncher. le reste du temps, il joue sans discontinuer, avec tout et rien, il demande pour participer, il a commencé par jouer seul dans son coin sans s'occuper des autres, maintenant il cherche la compagnie, quitte à s'emparer d' un jouet à la volée. c'est un bébé bisou, il vous serre dans ses petits bras souvent pour vous faire de gros câlins. quand je lui accorde le temps personnel d'une comptine, il est si content qu'il me fixe et puis me décoche un sourire tout de remerciements. on ne peut pas ne pas l'aimer mais en ce moment il passe un cap où il veut s'opposer, plutôt marquer ses préférences et ne pas accepter systématiquement tout ce que l'on aurait tendance à lui proposer. il adore jouer avec des attaches en plastique comme sur les poussettes. il va sa vie complètement en autonomie.
d'aucuns diront que le bébé de 3 mois ne pleure pas aussi fort que l'enfant de 2 ans, oui, mais il pleure aussi quand il en a besoin.
et j'ai déjà eu l'expérience d'une petite fille confiée à 3 mois qui a pleuré très très fort assez longtemps, au point que je me demandais si cela serait longtemps jouable pour son psychisme, et puis figurez-vous qu'au bout d'un moment, elle s'est mise à tellement adorer venir chez moi qu'elle ne parlait plus que de ça, et toujours au moment où elle nous a quitté pour entrer à l'école. et à l'école maternelle quand on lui demande le prénom de ses copains, elle cite ceux de chez nounou, pas ceux de l'école.
A un moment que l'enfant décide lui seul, il se met à nous faire confiance, et il a aussi confiance en lui-même, et en son parent, il s'agit de plusieurs facteurs à stabiliser, le plus fort étant l'anxiété du parent, puisque quand un enfant sent un frein chez son référent, il peut se placer lui-même en écho en se pénalisant par exemple en se privant d'être joyeux.
vous voyez comme c'est compliqué notre métier ? quand parfois des mamans s'inquiètent parce que leur bébé pleure en allant chez la nourrice, tout le monde pense "oh, mais elle ne doit pas bien s'en occuper ?" alors que peut-être bien que la nounou fait du travail de pro et que la maman sans le vouloir empêche son enfant de grandir.
ou peut-être qu'il y a encore une autre raison, mais en tout cas il ya falloir la débusquer cette raison si elle empêche un enfant de s'épanouir. avec de la patience et de la douceur, tout devrait se mettre en place au fil des jours de patience et de douceur. La nounou doit prendre sur elle et supporter aussi le moment difficile, elle attend que ça se passe mais ce n'est pas elle qui possède la clé.
plus j'essaie de lire des documents psy, plus je découvre des subtilités humaines, nous les vivons chaque jour sans y penser heureusement, mais professionnellement si on s'occupe du développement d'un humain, on ne peut pas éviter de se poser moultes questions et chercher autant de réponses pour autant de bébés différents.
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