Séparation/accueil


                                   

Accueil et séparation sont deux notions qui immédiatement évoquent une dimension relationnelle : qui accueille qui et comment? qui accueille quoi ? qui se sépare de qui ?

L’accueil implique des conditions d’accueil sur un plan matériel, à la crèche par exemple ou chez l’assistante maternelle ; on réfléchira à la façon d’accueillir un enfant dans ses locaux, l’aménagement de l’espace pour répondre aux besoins de l’enfant et en particulier à son besoin de sécurité, sécurité matérielle, sécurité affective.

Or accueillir un enfant c’est d’abord accueillir ses parents, premiers responsables de cet enfant, petit être vulnérable, dépendant des adultes qui ont sur lui une autorité légale. On évoquera donc les conditions relationnelles dans lesquelles il est souhaitable d’accueillir ses parents et d’établir cette relation de confiance qui va être la clef de voute du travail de la professionnelle à qui les parents confient leur enfant.

On accueille une personne, on accueille des émotions aussi.
Un certain psychanalyste, Bion, parlait de la fonction alpha maternelle qui consistait en fait à accueillir les états émotionnels de l’enfant, du bébé en particulier et de par ses compétences maternelles pouvait permettre à l’enfant de passer à un autre état émotionnel, comme de l’agitation à la détente, de la colère au calme, comme si la mère ou l’adulte référent transformait les émotions du bébé.

On parle là de la « fonction contenante » de l’adulte qui dans une représentation en creux accueille cette immaturité constitutionnelle de l’enfant et lui permet de temps qu’il faut de se reposer sur lui et de  grandir en toute sécurité, malgré ses écarts émotionnels importants. Contenir c ’est donc proposer aussi des limites, un cadre.

Nous verrons que cette fonction contenante est tout à fait opérationnelle aussi en ce qui concerne les adultes en particulier les parents de l’enfant, eux-mêmes ayant souvent besoin de cet accueil sécurisant que l’on pourrait caractériser par saneutralité bienveillante comme la définissait Freud en parlant de la position du thérapeute.

Qui accueille qui ?
Dans une crèche par exemple, il va falloir trouver un équilibre entre l’accueilleindividuel, personnalisé et l’accueil collectif des enfants, c'est-à-dire aider l’enfant à accepter cette distanciation entre ‘adulte et l’enfant et donc ce processus de séparation progressif même au sein de la crèche.
En ce qui concerne les parents, là aussi, petit à petit les  amener au fur et à mesure que l’enfant grandit à se contenter de quelques infos, à ne plus recevoir ces infos d’une personne en particulier, la référente. De leur côté les professionnelles , qui travaillent en équipe, veilleront à limiter les injonctions personnelles et à privilégier les transmissions d’informations les plus neutres et objectives pour garantir la neutralité essentielle à cette relation de confiance. En effet, nous constatons chaque jour que la relation parent enfant est fragile et peut être facilement affectée par des fantasmes liés à une rivalité adulte/adulte plus ou moins consciente.(que l’on entend à bas bruit aussi bien en crèche que chez l’assistante maternelle ou bien même à l’école maternelle !)

Accueillir les parents c’est donc aussi accompagner le  processus de séparation qui se joue entre la mère et l’enfant d’abord et plus largement les parents et l’enfant, confié à un autre adulte, c'est-à-dire mis en dehors du premier cercle social, la famille.   
                                                                                                                                        Il ne va pas être simple pour la plupart des parents, surtout pour le premier enfant, de rejouer la mise à l’écart de cet enfant que la mère portait en elle.
Pour ce faire, elle a été aidée à la naissance par des professionnels autour d’un rituel mis en place depuis des siècles, celui de l ‘accouchement .Effort à faire, « poussez »… autrement dit c’est vous aussi qui le mettez le hors de vous, où l’on demande à la mère de participer à cette séparation.
On sait que l’enfant lui aussi participe à sa façon d’ailleurs certains fœtus se retourne au moment de sortir au risque d’y laisser leur vie.

La séparation entre une mère et son enfant ou entre un enfant et son adulte référent, relève donc d’un processus qui trouve ses origines dans le début de la vie de l’enfant et peut-être même avant, chaque processus n’étant que la répétition d’un système déjà mis en place avant.
Il a été montré au travers de l’observation de relations « mère/petit » chez des chimpanzés que le processus de séparation est un processus contradictoire, c’est à dire qu’il faut du temps à chacun des deux protagonistes pour arriver au moment où tous les deux seront d’accord en même temps pour ce séparer.
Quand on connait le mécanisme d’ambivalence chez les parents, on comprend effectivement que le temps fait son œuvre pour que chacun accède à une certaine sérénité autour de deux/trois ans lors de ce moment de séparation/retrouvailles,souvent chargé d’émotion.

Après la naissance, l’enfant prend conscience de son existence propre vers le 7éme mois, ce moment peut d’ailleurs être accompagné de manifestations d’angoisse passagères, signe d’un insécurité latente :si nous sommes séparés et non UN je peux donc te perdre, pourrait on traduire de la pensée de l’enfant.

Cette prise de conscience de l’autre est incontournable dans le processus de structuration de l’enfant et plutôt le signe Que l’enfant va bien. C’est d’ailleurs assez tôt que la plupart des enfants trouve un « objet transitionnel » (le doudou) auquel s’accrocher pour se rassurer. Quand la mère ne se met pas à la place de cet objet, elle permet à son enfant de se retrouver sans elle et donc de grandir.

Plus tard, l’enfant commence à se déplacer à quatre pattes, il s’éloigne de la mère, pouvant déclencher là aussi des signes d’ambivalence chez celle-ci : ne me quittepas ! en étant par exemple trop protectrice et en l’empêchant d’aller à l’aventure dans les limites de sécurité possible bien sûr. Là est tout le problème, on se rend compte que la sécurité pour l’un ne l’est perçu de la même façon pas pour un autre.

A la crèche,  l’espace est sécurisé, c’est un endroit qui a été  aménagé de façon réfléchie et spécifiquement adapté à l’enfant, l’enfant peut aller à loisir où bon lui semble, souvent plus que chez ses parents, ce qui lui permet ainsi d’enrichir ses compétences d’exploration, d’avoir un peu plus de liberté peut être.

Il ne sera donc pas étonnant de rencontrer des parents surpris des compétences de leur enfant en crèche et donc susceptibles de lâcher le contrôle de leur enfant de leur côté, mais c’est sans côté avec l’aspect émotionnel de la relation parentale ambivalente.

Encore plus tard, l’enfant va continuer à explorer son territoire d’une autre façon, par le biais des limites et autorisations à l’intérieur du même territoire. Jusqu’à quel point peut on autoriser l’enfant c'est-à-dire aussi le lâcher et lui laisser une certaineliberté sans l’adulte, donc loin de la relation affective parent/enfant, tout en lui faisant prendre conscience du principe de la réalité et donc de la nécessité de la frustration.

Ce petit d’homme ressemble à bien des égards à Kirikou parfois, surtout dans es jeunes années où la toute puissance est encore bien opérante. Alors qu’en est-il de ses manifestations très démonstratives parfois lors des séparations, de quelles émotions s’agit-il, Que veut l’enfant ? que doit on faire de ces colères, trépignements, agitations tonitruantes, cris… ? Comment lui faire accepter, intégrer petit à petit, la réalité dans laquelle il devra être autonome plus tard ?

La question éducative  au sens large pose en filigrane la question de la distance que l’on autorise entre l’adulte et l’enfant et donc la question affective de la séparation (de l’enfant à l’adulte en passant par l’adolescent et aujourd’hui l’adulescent, cf Tanguy !)

L’éducation renvoie chacun à son éducation, à sa culture, à son tempérament, à sa représentation de la relation parent/enfant, à son vécu conscient et inconscient du processus de séparation, tant de variables qui font que parfois deux adultes qui parlent de l’éducation pourraient se retrouver dans un dialogue de sourds.

Il va donc être important d’accueillir les propos du parent, premier éducateur de l’enfant, ses ressentis, ses points de vue, d’être à l’écoute de ses préoccupations pour pouvoir ensuite faire passer des messages dans l’intérêt de l’enfant ,sans pour autant mettre le parent en porte à faux.

Accueillir un enfant c’est donc bien accueillir ses parents d’abord, comme le disait Winnicott, « un enfant sans ses parents, ça n’existe pas ».C’est les accepter dans leur processus parental en construction.


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