je viens de retomber sur un texte que j'avais perdu de vue tiens relisons-le.
« Le prince charmant n’existe pas »
2déc2009
Voici dans son intégralité l’interview d’Edwige Antier, rencontrée pour la sortie de son nouveau livre « Le courage des femmes ». Etonnante et provocante, à milles lieux des discours habituels de la société
- Quels sont les conseils primordiaux que vous donneriez aux femmes actuelles ?
« Suivre votre chemin en faisant d’abord des études et de faire faire des études à vos filles. C’est par les études que l’on conquiert la dignité, la liberté et que l’on retombe sur ses pattes lorsqu’on a des accidents de la vie. Il faut avoir du savoir, de l’expertise. Mon père me disait ‘Ton héritage, ce sera tes études ‘ et il avait bien raison ! Si vous n’en avez pas faites, essayez, à chaque fois que c’est possible, de prendre du savoir, de la compétence et poussez vos filles autant que les garçons. Aujourd’hui à compétences égales, il s’avère que les femmes font des études moins poussées.
Le deuxième conseil, c’est de répondre à votre désir de maternité. N’ayez pas peur d’avoir des enfants, c’est ce qu’on peut faire de plus beau dans la vie d’une femme et il ne faut pas attendre trop tard pour après devoir faire de traitements de procréation avec des parcours vraiment difficiles. N’ayez pas peur de faire des enfants même quand tout n’est pas réuni : un petit appartement, vous n’êtes pas sûre que c’est le bon compagnon… On n’est jamais sûre de tout, mais il y a un moment où il faut se lancer.
Ensuite, sachez que dès que vous avez un enfant, vos êtes particulièrement fragile. Parce que vous allez penser à cet enfant à toutes les minutes de la vie. Quant à l’homme, il y pensera toutes les 20 minutes… Et donc cela va vous enfermer dans une sorte de bulle. Que l’on ne vous dise pas que vous êtes fusionnelle, c’est normal, c’est nécessaire à votre enfant. Ayez confiance en votre fonction maternelle. Un bébé, un jeune enfant, c’est vrai, a besoin de sa mère.
Par contre, ne quittez jamais la vie professionnelle. Malheureusement, vous ne pourrez pas vraiment faire carrière tant que vos enfants seront jeunes parce que, dans les entreprises, les réunions de décision se tiennent à l’heure des machos, 18 heures. L’heure des bains, des règles de grammaire. Mais vous devez quand même garder votre compétence, votre réseau, vos appuis professionnels. Et lorsque vos enfants seront grands, la vie est longue, et vous pourrez faire carrière dans un deuxième temps si vous n’avez jamais perdu ce fil rouge du travail. Ne vous laissez pas marginaliser.
Alors c’est dur de faire tout. Ne vous laissez pas non plus déprimer par les images de femmes que vous renvoient les magazines qui sont toutes maigres e qui font que vous mangez trois feuilles de salade et des boissons sans sucre sans prendre d’énergie alors que vous allez monter sur vos très hauts talons et porter de véritables besaces très lourds que jamais votre compagnon prendra parce que c’est trop féminin. Mais dedans, il y a des tonnes, entre les doudous, l’agenda, les clés, les portables… C’est dur mais ne vous laissez pas trop torturer par la mode. Vous n’êtes pas obligées de rivaliser avec les nymphettes.
Un autre conseil, vis-à-vis de l’homme cette fois : sachez dire non. Quand vous n’avez pas envie de pratiques sexuelles qu’ils cherchent à vous imposer. Les jeunes garçons aujourd’hui ont la tête remplies d’images pornographiques qui font qu’ils ont perdu le mode d’emploi de relations amoureuses délicates. Il ne faut pas que les filles acceptent des pratiques dont elles ressortent ensuite avec amertume. Et vous avez le droit du respect de votre corps. »
- Pourquoi selon vos revient-on à des valeurs plus machistes ? Qu’est-ce qui a changé ces derniers temps ?
« Je trouve que ce qui a changé, c’est la quiétude des mamans. Plus la femme a acquis la possibilité d’assumer matériellement sa vie, plus l’homme a été affolé de perdre ce pouvoir sur la femme. Il a pas encore trouvé le mode d’emploi de la femme comme une compagne que l’on doit protéger. Du coup, il croit que la femme est très forte, parce que vous êtes fière. Mais o peut être fière et très fragile. Et donc je dis aux hommes qui liront ce livre qu’ils comprendront ainsi qu’il faut plus jamais protéger cette personne si précieuse qu’est leur compagne et la mère de leurs enfants. Ne croyez pas qu’elle est forte parce qu’elle s’habille à la mode ou qu’elle brille au plan professionnel ou parce qu’elle s’occupe de bien de son enfant. Tout ça, c’est au détriment de sa propre substance et elle peut finir par se déprimer et là vous aurez tout perdu. »
- Mais vous dites aussi que s’il vous trompe, il faut rester avec lui !
« Ca c’est terrible ! Un conseil, vous vous apercevez qu’il vous trompe, sur le portable, sur les mails… Ne faites pas la va-t’en-guerre ! Vous vous croyez trop forte, parce que si, immédiatement, vous lui montrez ce que vous savez, vous l’humiliez car il vous a trompée et cela se sait. Même si lui vous a humiliée en vous trompant, car vous réagissez sur le même terrain. Regarde, c’est dégoutant ce que tu m’as fait… c’est vrai que cela vous console sauf que vous allez vous retrouvez avec toute la force de la testostérone contre vous ! Vous n’êtes pas forte ! Quand vous allez vous retrouver avec les enfants en garde alternée une semaine sur deux chez sa nouvelle nana, qu’est-ce qui va vous rester ? Vos yeux pour pleurer… »
- Mais c’est horrible comme constat. Ne vaut-il pas mieux se battre contre la garde alternée à ce moment-là ?
« Non. Ramassez vos forces avant de parler, même si c’est compliqué. Un homme n’est qu’un homme. Il a des pulsions, avec une petite assistante qui lui tourne autour alors que vous ne vous préoccupez que des leçons et des devoirs… Il est envahi par des images publicitaires etc, c’est trop facile de le séduire. Il faut vous dire ‘Bon, quelle va être ma vie maintenant ? Quels sont mes besoins, de quoi je rêve ?’ Rencontrer le prince charmant, ça n’a marché que pour Blanche-Neige. Ne perdez pas votre temps, il n’existe pas. Mais peut-être refaire votre vie, avec quelqu’un qui vous aimera vraiment. Seulement, attendez de l’avoir trouvé pour quitter votre base, ramassez d’abord vos forces. Ne croyez pas que parce que vous allez partir, vous serez plus désirable aux yeux des hommes, pas du tout. Donc restez calmes, ne vous mettez pas dans une situation encore plus fragile où vous serez déprimée de ne pas voir vos enfants. A partir de là, ramasser ses forces, c’est se préparer financièrement, professionnellement mais sans exploser le système : ne perdez pas vos bases. Et après, lui va être étonné de voir une femme qui existe, peut-être que la passade va se calmer et que vous trouverez que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Soit il va continuer, vous le savez et petit à petit vus allez vous libérer, mais vous aurez préparé. Prenez un avocat, demandez un conseil AVANT de partir en guerre. Je vous demande d’être malignes. Les hommes sont très forts pour les doubles vies et les femmes sont très pures, très tout ou rien, alors que ce n’est pas si simple que ça la vie à partir du moment où il y a des enfants, où vous êtes fragile. Si vous n’aviez pas d’enfants, il ne pourrait pas vous torturer. Mais souvent un homme a une maîtresse mais il ne veut pas partir : il vous en voudra de le mettre dehors ! Et il se vengera avec la garde alternée. Vous allez être très mal, il faut vous préparer, mais avec un avocat, pas avec vos copines : gardez le secret. Il faut se taire, parce que dès que les choses sont dites, elles se répandent, elles se concrétisent. »
- Que pensez-vous de la garde alternée ?
« La garde alternée, c’est l’arme nucléaire anti-femmes. Une mère est avant mère, elle aime ses enfants profondément et de les voir faire leur baluchon une semaine sur deux alors qu’on ne voudrait pas pour nous d’une vie pareille… on sait que c’est très dur. Alors la garde alternée, ce n’est possible que lorsqu’il y a déjà un climat apaisé, que vous avez reconstruit un couple parental. Les enfants, ce qu’ils veulent entendre, c’est ‘Ton père, je l’aimerai toujours’ et récoproquement. Pas d’amour sensuel, mais affectif, affecteux. Ensuite, vous pouvez découper les jours comme vous voulez si il reste cette grande affection qui a donné lieu à la vie de cet enfant. La garde alternée ne fonctionne que dans un climat apaisé et mieux vaut la conditionner au travail de médiation, comme au Canada. Et bien sûr, la conditionner à un âge : un enfant en bas âge, avant 5 ans, aura bien du mal à se construire et à trouver ses repères dans une garde alternée. La plupart des pedo-psychiatre en France, défenseurs de enfants, ont pris parti en disant que si jeunes, ce n’est pas possible. »
- Avez-vous l’impression que les mères actuelles sont littéralement une génération perdue , entre les discours où elles doivent tout assumer et face à un homme de plus en plus dédouané de ses responsabilités ? Sont-elles sacrifiées ?
« La génération des jeunes femmes actuelles a été très malmenée. Elle veut se libérer et doit le faire en se préparant, pas n’importe comment. On a acquis notre indépendance sans que l’on nous décharge de fonctions de femmes d’autrefois. Donc on continue de mener la barque, l’intendance, la vie des enfants, leur vie scolaire tout en ayant conquis notre indépendance et c’est extrêmement difficile et toutes les femmes que je rencontre, toutes les jeunes filles voudraient trouver le bon père avant de faire un enfant. Ne croyez –pas qu’elles ne veulent pas d’hommes, c’est juste qu’elles ont besoin d’hommes qui les protègent. »
- L’homme n’aurait pas évolué à la même vitesse et les valeurs de la société non plus ?
« Exactement. L’homme est resté crispé sur ses certitudes et moi qui suis aujourd’hui députée et que je veux faire voter des textes sur les femmes et les enfants, je les vois commencer à bavarder entre eux, ils ne se sentent pas vraiment concernés. »
- Des auteurs actuels prônent au dédouanement de plus en plus grand des pères. Que peut-on faire conre cette tendance ?
« Ne pas avoir peur de dire ce qu’on a à dire. Et c’est vrai que les hommes protestent, souvent. Mais c’est comme ça qu’on avancera et les femmes doivent vraiment faire faire des études à leurs filles pour qu’elles aient du savoir, de la compétence dans un domaine particulier car cela le sauvera. Cela vous donne une colonne vertébrale, on ne pourra pas vous abattre. Vous aurez le pouvoir de vous redonner d’autres chances dans la vie. Surtout, ayez des compétences ! »
- Vous parlez de ces valeurs à leur inculquer, mais si la société ne suit pas, à quoi est-ce que cela sert ?
« Les femmes doivent élever leur fils dans le respect, mais elles ne peuvent pas le faire toutes seules. Si vous vivez avec un homme qui dit à votre propos des phrases méprisantes, qui vous laisse faire toutes les tâches, votre fils sera de la graine de macho et il risque de copier et c’est très nocif. Car vous n’êtes pas seule à élever un garçon, vous l’élevez avec son père et je dis aux hommes : si vous voulez un fils équilibré il faut que vous respectiez sa mère, c’est le meilleur exemple que vous puissiez lui donner. »
- Vous parlez du Prince Charmant qui n’existe pas. Pensez-vous que la culture populaire dans laquelle nous avons grandi a eu un rôle négatif sur la eprception des rôles ?
« Les contes de fées sont très importants et jusqu’à la puberté, il faut rêver. Le Père Noel, le Prince Charmant, c’est après l’adolescence qu’on doit savoir s’adapter à la réalité. Dans le réel, il y a des hommes humains et il va falloir faire avec. Parfois ça passe par des périodes de compromis, pour arriver à trouver votre propre chemin. Si vous l’idéaliser, vous risquez de retomber fracassée donc il vaut mieux le voir comme il est, essayer de trouver le mode d’emploi de cet homme-là comme il est en tentant de trouver votre voie. »
- Et comment apprendre à nos enfants l’intégrité et le respect de soi si nous-mêmes on se met à tolérer l’infidélité , qu’on n’est pas intègre ?
« Vous savez, un enfant avant la puberté vit dans sa bulle et dans ses rêves. Si vous ne lui mettez pas cela devant les yeux, l’enfant voudra juste que ses parents restent ensemble. Il ne s’occupe pas trop de votre vie affective si ce n’est servi devant lui sans arrêt. Donc il a envie de croire que ses parents, c’est pour la vie. Cela va avec les valeurs, car il faut donner à votre enfant un éveil qui soit conforme mais pas exhiber votre vie privée, vos relations extra-conjugales devant lui. Montrez lui une vie familiale sereine, le plus que vous pouvez. Et si vous devez vous séparer, gardez de bons contacts pour votre enfant et donnez une image positive de son père de telle sorte que l’événement amoureux qui l’a conduit à venir au monde soit préservé. Vous ne pouvez pas demander à l’enfant d’être lucide, c’est vous qui devez l’être quand vous entrez dans votre vie de femme. »
- Votre proposition de loi sur la fessée, de quoi s’agit-il ?
« Si c’est inscrit comme je le propose dans le Code Civil, ce sera plus facile de réagir qu’actuellement. Si vous voyez quelqu’un donner une fessée, maintenant, vous ne pouvez rien dire. Si c’est dans la loi, là les parents seront avertis qu’ils ne peuvent pas avoir recours aux châtiments corporels. 18 pays européens les ont déjà abolis. Même une tape sur la tête : on ne lève pas la main, on ne frappe pas. Ce n’est pas une façon d’avoir de l’autorité, toutes les études le montrent : les enfants en ressortent endurcis, perdent leur confiance en soi, sont en échec scolaire… des effets tout-à-fait dévastateurs. Car comment enseigner à un enfant qu’il ne peut pas frapper si nous on le frappe ? Cela n’a aucun sens et la violence engendre la violence. »
Edwige Antier « Le courage des femmes » Editions Robert Laffont
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