Jean EPSTEIN : " La semaine de quatre jours est une ineptie, tout comme la journée complète de cours ! »



Jean EPSTEIN : « Il y a trois champs de repères à donner dans la petite enfance. Le premier est individuel, c’est-à-dire comment valoriser les compétences de l’enfant. Cela permet de lutter contre le manque de confiance en soi. Le deuxième est social, en apprenant à l’enfant à respecter des règles, et ce qu’il s’agisse des parents, des professeurs, de la Protection maternelle et infantile, ou encore des centres de loisirs. Le dernier est familial, afin que l’enfant trouve sa place au sein de ce cercle. Mais le temps pour accepter ces repères est variable d’un enfant à l’autre. C’est pour cela que je dis aux élus que la petite enfance n’est pas une dépense, mais un investissement. »
Quelles peuvent être les conséquences de l’absence de ces repères ?
« Pendant cinq ans, j’ai travaillé sur les facteurs favorables à la violence chez les jeunes, vers l’extérieur ou sur eux-mêmes avec les souffre-douleur par exemple. L’étude a concerné 1 500 jeunes âgés de 8 à 15 ans. Et il en est ressorti neuf causes, liées à un manque de repères dans la petite enfance. Comme notamment le manque de confiance en soi, provoqué par une non-valorisation ou un dénigrement ; l’enfant-roi, qui a manqué d’interdit ; le problème du temps libre, que les enfants ne savent pas gérer soit parce qu’ils n’en ont pas eu ou parce qu’ils ont trop été livrés à eux-mêmes. Il faut laisser un enfant s’ennuyer et le laisser s’en sortir par lui-même ! »
Peut-on tout de même rattraper le coup, au moment de l’adolescence ?
« C’est ce que j’appelle la session de rattrapage. Un ado est à la fois un bébé et un adulte. Si le travail de bébé n’a pas été fait, l’ado peut tout de même se construire les repères qui lui manquent. Car pour être un adulte serein, il faut avoir une autonomie affective, réussir pour soi avec les autres ; sexuelle, c’est-à-dire avoir sa propre vie sexuelle et ne pas, par exemple, dormir avec ses parents ; financière, en étant persuadé d’être capable de pouvoir gagner sa vie, et les parents doivent donner la valeur de l’argent à leur enfant. Il s’agit aussi d’accepter la frustration, de ne pas être le centre du monde par exemple ; dominer ses peurs ; et de se construire une identité narrative, à travers ce qu’il vit et ce qu’on lui dit. »
Que pensez-vous de la réforme des rythmes scolaires ?
« Dans un des groupes de recherche auquel je participe, la seule fois où les quatre chronobiologistes ont été d’accord au sujet des rythmes scolaires, c’était il y a quinze ans : faire du scolaire le matin, et des activités culturelles, artistiques… l’après-midi. Ils s’accordaient aussi sur le fait que les journées étaient trop chargées et qu’il fallait une demi-journée supplémentaire. Cette réforme est donc une évidence, mais le débat doit avoir lieu sur les activités. Il s’agit de réorganiser les temps de loisirs, avec l’enseignement cinq matinées par semaine. La semaine de quatre jours est une ineptie, tout comme la journée complète de cours ! »
Propos recueillis par Vanessa PERCIBALLI.

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