L'effet néfaste de l'enfant favori
(Québec) Les parents ne l'avoueront sûrement pas, mais ils ont souvent une préférence pour un de leurs enfants. Une nouvelle étude démontre qu'en plus d'avoir un impact négatif sur le gamin «défavorisé», préférer un petit au détriment d'un autre a un effet néfaste sur toute la famille.
Dans l'étude de Jennifer Jenkins, professeure au département de psychologie de l'Université de Toronto, publiée dans le journal Child Development de février, on parle de l'adoption d'un «comportement parental différentiel» pour décrire le phénomène. Il se produit lorsqu'un enfant reçoit plus ou moins de réactions négatives ou positives de la part d'un parent qu'un autre membre de la même fratrie.
L'étude a été menée auprès de 400 familles de deux à quatre enfants âgés en moyenne de deux à cinq ans. Elle a été davantage axée sur les mères, et basée sur beaucoup d'observations; on ne s'est donc pas contenté de considérer les réponses rapportées par les parents eux-mêmes lors de sondages.
«Je pense que tous les parents veulent se croire aussi égalitaires qu'ils le disent», souligne André Plamondon, stagiaire postdoctoral au laboratoire du Dr Jenkins. Mais ce n'est pas le cas. Dans une autre étude largement citée menée en 2005 par des chercheurs de l'Université de Californie auprès de 400 couples de parents, on concluait que 65 % des mères et 70 % des pères montraient une préférence pour un enfant, normalement le plus vieux.
L'équipe de chercheurs dirigée par le Dr Jenkins a conclu de son côté que les petits «défavorisés» -ceux qui reçoivent le plus de réactions négatives de la part de leurs parents - sont plus susceptibles d'avoir des problèmes comportementaux, et ont notamment plus tendance à être agressifs. Le tout a aussi été associé à des risques plus élevés pour tous les enfants de la famille, explique le docteur André Plamondon, diplômé de l'Université Laval.
Les études passées étaient davantage axées sur les effets sur l'enfant brimé, cette dernière a également permis d'évaluer les effets sur la famille au complet, ajoute-t-il.
Les chercheurs ont aussi découvert que les comportements parentaux différentiels étaient liés à certains facteurs de risques présents dans la maisonnée à ce moment, ou vécus par les parents dans le passé. Les mères ont plus de chances de favoriser un enfant en particulier lorsqu'elles vivent dans une situation socio-économique défavorable, présentent des symptômes de dépression ou ont vécu des abus dans leur propre enfance.
Pas toujours négatif
«C'est pas juste!» On a tous déjà entendu un enfant s'insurger lorsqu'on agit différemment avec son frère ou sa soeur. Mais les jeunes perçoivent l'injustice plus tard dans leur vie. Les sujets de deux à cinq ans de l'étude étaient trop jeunes pour s'indigner, indique M. Plamondon. L'étude démontre donc que le traitement différentiel a des effets négatifs au-delà de la perception de justice des enfants.
Les recherches passées stipulent toutefois que le comportement parental différentiel n'est pas toujours un phénomène négatif. En effet, il a été démontré que l'aptitude des parents à répondre de manière appropriée aux besoins individuels de chaque enfant est importante pour le développement social de sa progéniture.
«Lorsque son frère ou sa soeur a un handicap, l'enfant peut composer avec un certain niveau de comportement différentiel», note M. Plamondon. Il s'agit pour les parents de justifier leurs actions lors d'une discussion avec l'enfant.
L'âge des jeunes représente aussi des besoins différents : ce ne sont pas les mêmes règles qui s'appliquent. Plus la différence d'âge est grande entre les enfants, plus il est facile de justifier des comportements variables, explique le Dr Plamondon. L'ado et l'enfant de trois ans se trouvent évidemment dans deux mondes à part!
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